JULIEN AMILLARD

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J’AI GAGNÉ UN PONEY

 

 

 

Les âges ont érodé sa langue

c’est pour ça que

je ne la comprends pas alors j’essaye un

Désolé, je ne parle pas le néerlandais…

Parlez-vous anglais ?

 

Je n’ai pas l’air de parler anglais ?

Mais je parle anglais

dit-elle entre ses dents

comme n’ayant jamais servi

blanches, parfaites

entourées de ses lèvres

vieilles, usées

où la barbe pique

 

J’ai gagné un poney vous savez

dit-elle, lorsque j’étais plus jeune

J’ai gagné un poney

Il y a longtemps

J’ai gagné un poney

Quelqu’un aurait pu le gagner

Mais non

c’est moi qui ai gagné ce poney

 

J’ai gagné un poney

à l’approche du vendeur  entre les sièges du wagon :

 

SNACK COKE CAFÉ CHOCOLAT…

 

Je peux avoir un Coca Light ?

Bien sûr Madame

Avec du chocolat ?

Bien sûr Madame

Je prendrai ça alors

 

Quel genre de chocolat désirez-vous ?

Non, non, pas de chocolat

Je veux ça.

Je veux ça !

 

Le saucisson ?

 

Oui. Le saucisson

servi, Je suis désolé mais

ce n’est pas la bonne monnaie.

Ici, c’est en euro.

 

Oh, je suis stupide

stupide, dit-elle.

Oh je suis si stupide…

stupide stupide

cerveau

 

 

 

 

 

EN REGARDANT REMBRANDT

 

 

 

Les contours du visage surgissent

de nulle part, derrière

un paysage de fourrure, l’ombre

échappe ce qu’il reste

du corps.

 

La lumière doucement

enveloppe

telle la tarlatane

avant la gravure, couvre les cuisses de la mariée.

 

Il n’avait pas sans pareil

pour soigner les visages

au milieu desquels les yeux

s’illuminent, le reste n’est que sublime.

 

Derrière la peinture,

il y a lui

son génie saisit le temps

ses traits à trois siècles de nous

Enfin bon, on reconnaît que c’est lui quoi.

 

 

 

 

 

ROOM SERVICE

 

L’écrivain

dans sa chambre d’hôtel

se fout pas mal d’être

dans une ville qu’il ne connaît pas

 

Les trottoirs toujours sont gris

les pigeons meurent

leurs ailes recroquevillées en leurs chairs

à l’abri d’une statue UNESCO

 

La lumière change

éclatante

proche d’un désert

l’Asie n’est pas loin

déjà  les filles

 

Mais dans sa chambre

la lumière jamais ne faiblit

elle change suivant l’épaisseur

des rideaux

les néons

éteinte dans la bière

 

Dans une autre chambre

un écrivain dira la même chose

 

 

 

 

 

LICHT ! MEHR LICHT !

 

 

 

L’éclat du soleil

au milieu du brouillard

le même que Goethe ?

 

est-ce celui-ci qu’il quémandait

avant de mourir

mieux vaut se vanter

d’avoir bu dix-huit whisky sec

 

certains y arrivent

d’autres y passent

 

le foie gonflé

l’oie jalouse

il ne lui reste plus que

cinq mois à vivre

 

la bière me sourit

la mousse en bouche

mon foie serait-il le même que le sien ?

 

si j’avais suffisamment

de courage ou de folie

je m’ouvrirais le ventre et palperais

mon foie

me rassurant qu’il fait

une taille

bonne ou mauvaise

 

la mort nous frappe

conséquence de la vie

il ne reste que des regrets

 

 

 

 

 

POW WOW

 

 

 

son feulement n'est plus

il reste dans sa gorge

raclant le silence

ses pattes soulèvent sa chair

frêle et rachitique

de sa crinière

il ne reste que des brins

de paille d' un champs desséché

la terre craquelée

d'une même couleur

 

ses babines ne  retroussent

elles pendent

déversant le peu de salive qu’il lui reste

il  a soif

mais boire est un supplice

sa gamelle est  trop loin

sous la vitre

derrière les flashs crépitant

l’œil des caméras braqués sur lui

le dernier de son espèce

il n’en espérait pas tant

 

dans sa jeunesse

depuis son poste

dans les hautes herbes

il avait vu les éléphants claudiqués

pour atteindre cette plaine jonchée d’os

parcourue de leurs ancêtres

desséchés, ce qu’ils deviendront

 

il ne possède nulle cimetière

et de son œil, il ne voit rien

le second, il l'a perdu

lors de sa capture

défendant sa peau comme il le pouvait

avec ses griffes et ses crocs

il y perdit un œil

et sa liberté

 

ses pattes s’effondrent

sa langue se répand

dans la poussière

absorbant ce que ses tripes ont relâchés

son dernier souffle

 

Les lions ne sont plus

et dans son canapé

en plateau-repas

John se régale d’ un gigot d’agneau

acheté 2 euro

au Lidl du coin

 

 

 

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